Objectifs scientifiques
De ses 15 années d’expériences grâce à la bouée GPS à Sénétosa (Corse), l’OBSPM (Observatoire de Paris – Meudon) a identifié deux problèmes principaux avec le concept basé sur une bouée type « bouée de sauvetage » : d’abord pendant le trajet du marégraphe au point d’étalonnage en mer, beaucoup de pertes de verrouillage sont rencontrées ce qui dégrade l’exactitude de la solution GPS, ensuite, dans des conditions d’états de mer forts, la bouée s’incline fortement conduisant également à des pertes de satellite. L’OBSPM a donc conçu un nouveau système basé sur un zodiac intégrant à la fois l’antenne et le récepteur. Un tel système permet de minimiser les pertes de verrouillage et une utilisation à relativement grande vitesse (~7 nœuds) afin d’utiliser le même système à la fois pour l’étalonnage des altimètres au moment de survol mais aussi l’extension des géoïdes locaux.
Malheureusement, les tests à différentes vitesses ont montrés une forte dépendance de la ligne de flottaison en fonction de l’état de la mer qui est difficile à modéliser pour une précision centimétrique.

Dans le même but, la Division Technique de l’INSU (DT-INSU) a exploré, à sa demande, une autre approche pour construire un GPS mobile pour la cartographie de la surface de la mer qui peut être remorqué à une vitesse élevée. L’idée de base est donc de forcer le point de référence de l’antenne à être à la surface de la mer, en mettant une antenne GPS sur une nappe flottante. Les résultats obtenus lors des tests effectués sur le site de Sénétosa ont permis de montrer une très grande stabilité de la ligne de flottaison, meilleure que 3 mm/(m/s) sur la gamme 0-6 m/s et quasi nulle sur la gamme 0-4 m/s. Le seul point négatif de cette instrumentation étant la taille de l’instrument et le temps nécessaire pour la déployer. Il reste malgré tout pour l’instant l’instrument le plus performant pour atteindre une exactitude centimétrique sur la hauteur de la mer que ce soit en statique ou en dynamique.
L’exploitation de navires comme support d’antenne GPS serait de ce point de vue beaucoup plus efficace et pratique. Cela permettrait d’atteindre des vitesses de déplacement plus importantes et de réduire l’équipement utile. Cependant son utilisation est relativement rare dans des opérations de mesure de précision par GPS, car les bateaux présentent généralement une faible stabilité. Ils sont effectivement soumis à des roulis et tangages importants et ont surtout la fâcheuse caractéristique de déjauger au-delà d’une certaine vitesse. Tous ces paramètres modifient grandement la position déterminée préalablement de l’antenne GPS au-dessus du niveau de l’eau, et altèrent donc la précision finale des résultats obtenus. De nombreuses études ont été menées en calibrant avec précision l’attitude d’un bateau en fonction de différents paramètres (vitesse, virage, conditions de mer, charge du bateau, etc…) ce qui permet de connaître précisément la position de l’antenne GPS au-dessus de l’eau. Ces calibrations s’avèrent particulièrement longues, complexe, coûteuses, et ne permettent pas toujours d’obtenir une précision de l’ordre du centimètre.
Aussi, l’idée de mesurer en temps réel, simultanément aux mesures GPS, la position de l’antenne au-dessus du niveau de la mer s’avère particulièrement intéressante : cela permettrait de s’affranchir d’une calibration de l’attitude du bateau, de tenter d’obtenir une précision centimétrique, et donc de simplifier la campagne d’observation en rendant l’utilisation directe et simple d’un bateau possible. Une première expérience a été réalisée en juillet 2014 sur le lac Issyk-Kul qui a montré de très bons résultats sur une surface très calme. L’idée du développement demandé ici est de coupler ce système à un cardan et des inclinomètres pour compenser et mesurer les effets d’attitude du bateau lors de mer plus agitée.

Descriptions techniques
Il s’agit de la conception et de la fabrication d’un système couplé composé d’un altimètre acoustique pour mesurer la distance par rapport à la surface de l’eau et d’un GPS permettant de mesurer l’altitude du système. Ceci est monté sur un stabilisateur afin de garder autant que possible l’horizontalité. Connaissant précisément (~1 mm) la distance entre le point de référence de l’antenne GPS et celui de l’altimètre, on pourra donc en déduire la hauteur de la surface de l’eau.
Le projet a bien avancé et l’ensemble des développements mécaniques et électroniques ont été effectués. Le premier prototype a été testé en Corse en juillet et septembre 2016. A l’issue de ces tests, il est apparu que quelques réglages et améliorations mécaniques et électroniques étaient à prévoir pour fiabiliser l’instrument car il est amené à subir de fortes sollicitations liées à l’état de la mer. L’OBSPM développe donc actuellement une solution alternative en utilisant un radar acoustique monté sur un bras stabilisateur.
L’ensemble des développements mécaniques et électroniques ont été effectués et une première campagne multi instruments a été menée sur la Gironde en octobre 2018. Les résultats de cette version 1 sont cohérents avec les autres techniques de mesure du niveau de la mer. Ces résultats ont été présentés lors de deux colloques dédiés au futur satellite SWOT respectivement en novembre 2018 et juin 2019 et ont été très appréciés par le CNES qui finance en grande partie ce projet. Mais le système n’était pas marinisé, il a fait beau et le fleuve était calme. Aussi dans ces conditions, le bras stabilisateur a bien compensé les mouvements. Il faudra rendre le système plus robuste pour des campagnes à la mer.
En 2020, nous n’avons pas pu organiser la mission test en Corse pour cause de covid mais l’instrument a été optimisé avec de nouveaux capteurs. Cette version 2 a été déployée en juin 2021 lors une campagne multi instruments à la mer en Corse à Senetosa (nappe GPS CalNaGeo, zodiac GPS, marégraphes, Cyclopée). Les résultats en cours d’analyses sont excellents.
Des essais préliminaires ont été menés en rade de Brest en juillet 2021 pour tester une nouvelle méthode d’alimentation du bras stabilisateur et valider l’utilisation d’une antenne certifiée UNAVCO sur ce bras. Ces essais devront se poursuivre pour aboutir à une version fiable sur les plan mécaniques et électriques. Il est demandé à la DT de :
- Finaliser la solution qui utilise l’altimètre acoustique sur bras stabilisateur. Les développements concernent la fiabilisation de l’acquisition et la récupération des données ainsi qu’une optimisation de l’interface homme-machine.
- Optimiser la marinisation du système (protéger le bras stabilisateur).
- Dupliquer et affiner l’interface électronique et le programme pour un usage en mer (site Corse) et en eaux continentales par un utilisateur quelconque. Un exemplaire restera à la DT pour améliorations futures et utilisation ailleurs qu’en Corse.
- Caractériser différents modèles d’altimètres.
- Comparer les performances de Cyclopée avec le lidar de la société VorteX-io.
- Nouvelle mission en Corse pour essai et formation de l’utilisateur sur site.
En septembre 2021, la DT-INSU a été lauréat d’un appel d’offre de l’ESA : St3ART project (Sentinel 3 Topography mission Assessment through Reference Techniques). Il s’agit de calibrer et valider le satellite altimétrique Sentinel 3 pour la mesure d’épaisseur de glace, pour la mesure de hauteur d’eau de mer, de lac et de fleuve. Nous sommes partenaires identifiés sur ce projet. Avec le CNES, l’IRD, le laboratoire Syrte et la société Vortex-IO, nous sommes en charge de la partie hydrologie du projet. Des mesures seront à effectuer sur des fleuves (le Rhin, le Pô, le Maroni) avec des systèmes adaptés : drone aérien, nappe de calibration (CalNaGEO), système à bord de navire (Cyclopée), mesures in situ en point fixe : station μLidar, bouée GNSS, marégraphe.
Voir aussi : Campagne SWOT pre-lauch à Madagascar sur le fleuve Tsiribihina avec Cyclopée.
Contact DT : Michel Calzas
Contact SYRTE : Pascal Bonnefond